L’administration fiscale camerounaise renforce son arsenal de contrôle avec le RCBE, un outil de transparence financière incontournable.
Introduction : Une nouvelle ère de transparence fiscale au Cameroun
Dans un contexte mondial marqué par la lutte contre les flux financiers illicites, l’administration fiscale camerounaise a franchi une étape décisive en instaurant le Registre Central du Bénéficiaire Effectif (RCBE). Cette mesure révolutionnaire permet désormais à la Direction Générale des Impôts (DGI) d’obtenir une vision complète à 360 degrés sur les structures d’entreprises et leurs véritables propriétaires.
Cette initiative s’inscrit dans une démarche plus large de modernisation du système fiscal camerounais. En effet, elle vise à aligner le pays sur les standards internationaux de transparence financière tout en renforçant efficacement la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Comprendre le RCBE : un outil stratégique de transparence
Le Registre Central du Bénéficiaire Effectif constitue bien plus qu’une simple base de données. Il représente un véritable pilier du dispositif de transparence financière camerounais, centralisant toutes les informations sur les personnes physiques qui détiennent ou contrôlent effectivement les entités juridiques du pays.
L’administration fiscale poursuit plusieurs objectifs stratégiques à travers cet outil. Premièrement, elle cherche à assurer une traçabilité complète des flux financiers circulant dans l’économie nationale. Deuxièmement, elle ambitionne d’identifier clairement les véritables décideurs qui se cachent derrière les structures complexes. Par ailleurs, ce dispositif permet de prévenir efficacement les montages fiscaux abusifs tout en renforçant la coopération internationale en matière fiscale. Enfin, il contribue significativement à l’amélioration de la collecte des recettes fiscales.
Décrypter la notion de bénéficiaire effectif
Pour bien saisir les enjeux du RCBE, il convient d’abord de comprendre précisément ce qu’est un bénéficiaire effectif. Cette notion désigne la personne physique qui, en dernier ressort, possède ou contrôle une entité juridique. Cependant, cette définition apparemment simple recouvre plusieurs réalités complexes.
D’une part, le bénéficiaire effectif peut être identifié par des critères de détention directe. Ainsi, toute personne détenant plus de 25% du capital social, possédant plus de 25% des droits de vote, ou bénéficiant de plus de 25% des profits de l’entité sera considérée comme tel.
D’autre part, le contrôle peut s’exercer de manière indirecte. Dans ce cas, l’administration fiscale recherchera les personnes exerçant un contrôle par convention, disposant d’une influence significative sur les décisions stratégiques, ou ayant le pouvoir de nomination des dirigeants principaux.
Toutefois, lorsqu’aucun bénéficiaire effectif ne peut être clairement identifié selon ces critères, la loi prévoit un critère de substitution. Le dirigeant principal de l’entité sera alors automatiquement considéré comme bénéficiaire effectif.
Pour parvenir à cette identification, l’administration fiscale applique une méthode progressive appelée « approche en cascade ». Cette méthode commence par l’identification des détenteurs directs, puis remonte les chaînes de contrôle, analyse ensuite les accords de contrôle spécifiques, et aboutit finalement à la désignation du dirigeant si nécessaire.
Périmètre d’application : qui est concerné par le RCBE ?
L’obligation de déclaration au RCBE s’étend à un large éventail d’entités. En premier lieu, toutes les personnes morales immatriculées au Cameroun sont concernées, qu’il s’agisse des Sociétés Anonymes, des Sociétés à Responsabilité Limitée, des Sociétés en Nom Collectif, ou encore des Groupements d’Intérêt Économique.
Au-delà des sociétés commerciales classiques, le RCBE s’applique également aux structures juridiques spécifiques. Les associations à but lucratif, les fondations privées, les trusts et constructions juridiques similaires, ainsi que les partenariats commerciaux entrent dans ce périmètre.
Par ailleurs, certains secteurs font l’objet d’une surveillance particulièrement renforcée en raison de leur sensibilité. Les établissements bancaires, les compagnies d’assurances, les cabinets d’expertise comptable, les études notariales, les agences immobilières et les sociétés de gestion de patrimoine sont ainsi soumis à des obligations spécifiques.
Les obligations déclaratives : un cadre rigoureux à respecter
La mise en conformité avec le RCBE implique le respect de plusieurs obligations complémentaires. La première consiste en la tenue d’un registre interne. Chaque entité doit en effet maintenir un registre physique contenant l’identité complète des bénéficiaires effectifs, leur pourcentage de détention ou la nature de leur contrôle, les dates d’entrée et de sortie, ainsi que toutes les pièces justificatives. Parallèlement, une version électronique doit être tenue avec une mise à jour en temps réel, une sauvegarde sécurisée et un accès restreint aux personnes habilitées.
La deuxième obligation concerne la désignation d’un responsable RCBE. L’entité doit nommer formellement un responsable principal de la tenue du registre, prévoir un suppléant en cas d’absence, et établir une procédure claire de mise à jour.
La troisième obligation porte sur la déclaration électronique. Les déclarations s’effectuent exclusivement via les plateformes officielles, notamment le site https://bef.harmony2.cm ou le portail DGI officiel. La première déclaration doit intervenir lors du dépôt de la Déclaration Statistique et Fiscale (DSF) et présenter la situation complète à la date de clôture avec tous les justificatifs de contrôle. Ensuite, toute modification doit faire l’objet d’une déclaration modificative dans un délai maximum de 45 jours, avec maintien d’un historique complet des changements.
Enfin, les entreprises doivent assurer la conservation et la mise à disposition de tous les documents. Elles sont tenues de conserver tous les justificatifs pendant au moins dix ans, de les mettre à disposition lors des contrôles, et de garantir un accès immédiat aux informations demandées par l’administration.
Sanctions et contrôles : les conséquences de la non-conformité
Le non-respect des obligations RCBE expose les entreprises à des sanctions significatives. Sur le plan financier, l’administration peut infliger des amendes forfaitaires pouvant atteindre 5 000 000 FCFA, des pénalités de retard de 2% par mois, et des majorations de 50% des droits éludés.
Les sanctions peuvent également être opérationnelles. Ainsi, les entreprises défaillantes risquent la suspension de leurs relations bancaires, le blocage de leurs opérations de change, ou encore leur exclusion des marchés publics.
Dans les cas les plus graves, la responsabilité personnelle des dirigeants peut être engagée. Ceux-ci s’exposent alors à une responsabilité civile, à une solidarité dans le paiement des sanctions, voire à une interdiction temporaire de gérer.
Concernant les contrôles, l’administration fiscale dispose de pouvoirs étendus. Elle peut procéder à des contrôles inopinés sans préavis, accéder directement aux registres, effectuer des vérifications croisées avec d’autres bases de données, et coopérer avec les administrations étrangères.
Conseils pratiques pour réussir sa mise en conformité
Face à ces nouvelles obligations, les entreprises existantes doivent adopter une approche méthodique. Il convient d’abord de procéder à un audit interne complet de la structure de contrôle, puis d’identifier précisément tous les bénéficiaires effectifs. Ensuite, il faut rassembler toutes les pièces justificatives nécessaires, former le personnel responsable de ces questions, et tester le bon fonctionnement de la plateforme de déclaration.
Pour les nouvelles entreprises, la démarche peut être anticipée dès la création. Il est recommandé d’intégrer ces considérations directement dans les statuts, de mettre en place des procédures automatisées de mise à jour, et de bénéficier d’un accompagnement professionnel dès le départ.
Dans ce contexte, les Centres de Gestion Agréés comme le CGA 3S jouent un rôle particulièrement important. Ils accompagnent les entreprises dans l’analyse de leur structure de contrôle, la préparation des déclarations RCBE, la mise en place des procédures internes appropriées, et le suivi continu des obligations déclaratives.
Conclusion : vers une économie plus transparente et plus forte
Le Registre Central du Bénéficiaire Effectif représente indéniablement une révolution dans la gouvernance fiscale camerounaise. Loin de constituer une simple contrainte administrative, il constitue un véritable outil de modernisation qui renforce la crédibilité internationale du Cameroun, facilite l’accès aux financements internationaux, améliore l’environnement des affaires, et protège l’économie nationale contre les flux illicites.
Dans cette perspective, les entreprises qui anticipent cette obligation et s’y conforment scrupuleusement bénéficieront d’un avantage concurrentiel indéniable. Elles évolueront en effet dans un environnement économique de plus en plus transparent où la confiance et la crédibilité constituent des atouts majeurs.
C’est pourquoi il est essentiel de ne pas considérer le RCBE comme une contrainte, mais plutôt comme une opportunité de participer activement à la construction d’une économie camerounaise plus moderne, plus transparente et plus attractive pour les investisseurs nationaux et internationaux. Pour un accompagnement personnalisé dans ces nouvelles obligations, l’expertise d’un Centre de Gestion Agréé garantit une conformité totale et une sérénité fiscale durable.